La variabilité du TCR


           Les gènes codant pour le récepteur des cellules T (TCR) appartiennent à plusieurs familles multigéniques, qui sont des ensembles de gènes possédant des séquences homologues et codant souvent pour le même type de molécule. Chaque famille code pour une chaîne du TCR, cependant, ces séquences d'ADN germinal ne peuvent être directement transcrites puis traduites en chaîne du TCR, il faut d'abord que l'ADN subisse un réarrangement.

            Voyons tout d'abord l'organisation cet ADN. Les locus des gènes codant pour la chaîne β se trouvent sur le chromosome 14 et ceux de la chaîne α sur le chromosome 7. Ces locus sont composés de séquences codantes et non codantes. À terme, les séquences codantes, aussi appelées séquences géniques, seront réarrangées et assemblées en un gène codant.

Schéma du placement après recombinaison des segments géniques responsables des différentes régions des chaînes


La famille multigénique des chaînes α :


            Le gène codant pour la chaîne α du TCR est formé par le réarrangement de segments géniques V (variable), J (jonction), auxquels s'ajoute un segment C (constant).
Nous possédons une cinquantaine de segments Vα, environ 70 segments Jα mais seulement un segment Cα.

La famille multigénique des chaînes β :


            Le gène de la chaîne β est semblable à celui de son homologue α, mais se compose en plus d'un segment génique D (diversité).
On dénombre une soixantaine de segments Vβ, une quinzaine de Jβ, deux segments D et deux segments Cβ. Il peut paraître surprenant que ces derniers soient au nombre de deux, étant donné qu'ils sont censés être constants, mais les protéines pour lesquelles ils codent ne diffèrent pas du point de vue de leur fonction.


Les processus et mécanismes de la variabilité du TCR

Nous allons maintenant voir les différents mécanismes existants qui contribuent à la variabilité du TCR et ce tout au long du processus de recombinaison des gènes, qui sera détaillé.

  • Les segments géniques multiples de la lignée germinale

            On observe déjà ici une source de la diversité des TCR, diversité qui est cruciale puisqu'elle est à la base de la défense de l'organisme menée par les lymphocytes T. En effet, le fait que les segments géniques codant pour les chaînes du TCR soient présents en plusieurs exemplaires différents permet une multitude de recombinaisons possibles entre les divers fragments, ce qui résulte en de nombreux récepteurs des cellules T distincts.
Cependant, il s'agit ici de la diversité minimale des TCR puisque ce n'est pas le seul mécanisme mis en place afin d'augmenter celle-ci.

  • Les séquences signal de reconnaissance

            Étudions le processus de recombinaison des segments d'ADN des parties variables du TCR. Celui-ci débute avec la reconnaissance de séquences signal de recombinaison (RSS), qui sont situées à l'extrémité des séquences codantes, par des enzymes recombinases.

            Les RSS sont formées d'un heptamère conservé (7 paires de bases) séparé d'un nonamère conservé (9 paires de bases) par une séquence intercalaire de 12 ou 23 paires de bases. C'est cette séquence intercalaire qui différencie les deux types de séquences signal, celle à 12 pdb correspond à un tour de l'hélice de l'ADN et celui à 23 pdb à deux tours de cette l'hélice, d'où le nom séquences signal de recombinaison à un tour ou deux tours.

            Les RSS sont positionnées de façon précise : il en existe une du coté 3' de chaque segment génique V, une autre du coté 5' de chaque segment J et une des deux cotés pour les segments D. Ces positions, couplées à la règle 12-23, ou encore règle un tour/deux tours (une RSS à tour ne peut s'associer qu'avec une RSS à deux tours), assurent qu'un segment V s'unira bien à un segment J et non pas à un autre segment V par exemple. Même si la nature des RSS flanquant les segments géniques peuvent varier (à un ou deux tours suivant les chaînes), ceux autour des segments V et J ne seront jamais du même type.


Schéma de la recombinaison des gènes du TCR grâce au mécanisme des RSS


  Suite à cette reconnaissance, les séquences codantes sont amenées à proximité l'une de l'autre puis les enzymes RAG-1 et RAG-2 (Recombination Activation Genes = Gènes d'Activation de la Recombinaison) coupent un brin de la double hélice d'ADN au niveau de la connexion entre les séquences codantes et signal. S'en suit la formation d'une épingle à cheveux (une petite boucle) à la fin de la séquence codante, c'est à dire que le groupement libre 3'-OH du brin récemment clivé va attaquer la liaison entre le brin opposé et la RSS. Grâce à cette action, il y a séparation de la séquence codante et de la RSS.














  • L'addition P (diversité des séquences palindromiques)
 
Schéma de l'addition des nucléotides P
            L'épingle à cheveux est ensuite scindée. Ici interviennent des mécanismes de flexibilité jonctionnelle puisque cette coupure n'est pas fixe. Elle varie aléatoirement et il se peut qu'elle donne une partie d'ADN monobrin. Dans ce cas, des nucléotides (appelés nucléotides P) seront ajoutés par complémentarité afin de former une structure en double brin.
Ce procédé est appelé addition P et il conduit à la formation de séquences palindromiques qui sont des séquences d'ADN pouvant se lire de la même façon par rapport à un point 
             - soit sur le même brin : ATTCG.GCTTA ; 
             - soit sur deux brins complémentaires:
5' -AACGTT- 3'
3' -TTGCAA- 5'









  • L'addition N
Schéma de l'addition des nucléotides N
 
            Ensuite, on ajoute jusqu'à 6 nucléotides N entre les séquences codantes, nucléotides qui n'étaient absolument pas codées par les séquences d'ADN germinal.
 Il s'agit de l'addition N, qui apporte une grande diversité étant donné que les ajouts semblent être faits entièrement au hasard.
Les nucléotides ajoutés vont coder pour la région CDR3 (Région Déterminant la Complémentarité), qui joue un rôle essentiel dans la reconnaissance du peptide. La diversité additionnelle est donc visible au niveau de cette région, permettant ainsi d'augmenter le nombre de récepteurs des cellules T différents.

            Cependant, les additions N et P peuvent conduire à des réarrangements non productifs, c'est à dire qu'on observe l'apparition fortuite d'un codon stop dans la séquence de nucléotides.
Les codons stop (au nombre de trois) sont des enchaînements de 3 nucléotides qui ne codent pour aucun ARN de transfert, signalant donc l'arrêt de la traduction du génome en protéine.



  • Les jonctions alternatives V-J ou V-D-J et la flexibilité jonctionnelle


            Un point important à souligner est que les segments peuvent se lier de deux manières différentes de façon à former un enchaînement soit V-J soit V-D-J. (On est toujours uniquement dans le cas des chaînes α et β respectivement.) De plus, les jonctions entre les différents segments codant ne sont pas fixés mais imprécises, contrairement aux jonctions entre les séquences signal. Cela conduit à de nombreux nouveaux réarrangements, dont certains sont productifs et d'autres non. On a ainsi une nouvelle source de la variabilité du TCR, la flexibilité jonctionnelle


 

            En conclusion, le TCR est une construction protéique pour laquelle l'ADN doit subir un certain nombre de procédés de recombinaison afin de former la structure voulue. Ces procédés sont également effectués dans le but de disposer d'une diversité suffisante des TCR. Cela est nécessaire au fonctionnement du système immunitaire qui doit être capable de reconnaître n'importe quel peptide étranger présenté par les cellules présentatrices d'antigènes (plus d'information sur ces cellules et leur fonctionnement voir ICI).

Le CMH, c'est bon, le TCR aussi, maintenant, voyons leur associativité !

Sources:
Fondements de l'immunologie - DELVES, MARTIN, BURTON, ROITT - éd. De Boek.
Immunologie - ESPINOZA, CHILLET - éd. Ellipses.
Immunologie, le cours de Janis Kuby avec questions de révision - KINDT, GOLDSBY, OSBORNE - éd Dunod, 6ème édition.
http://cellular-immunity.blogspot.fr/2007/12/cd.html

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